Les dessous d´un voyage
« spécial vapeur »

Les circulations entre la gare de l´Est et Longueville, dimanche, ont été affectées de quelques retards et incidents. Ptitrain a enquêté pour connaître le pourquoi... C´est notre ami Jacques Sentis de l´A.A.A.T.V. (association organisatrice) qui a le plus été mis à contribution pour nous narrer les bonnes et mauvaises fortunes de cette journée.
Ptitrain est convaincu que ces détails techniques sont passionnants pour les amoureux du train et de la vapeur, et que, loin de toute critique, la S.N.C.F. ne peut qu´être louée pour ce qui peut paraître un excès de précautions : ne vaut-il pas mieux, pour un dimanche de fête entre passionnés, un retard qu´une catastrophe ? Pourvu que ce soit bien expliqué, entre connaisseurs ;¬)

Les associations sont tributaires de la S.N.C.F. à chacune de leurs sorties. Il faut bien savoir que chaque circulation exceptionnelle se décide au minimum trois mois à l´avance de façon à obtenir toutes les autorisations administratives requises par la S.N.C.F., notamment régler à R.F.F. les frais d´utilisation des voies qui sont de l´ordre de 10 à 12 euros/km parcouru, incluant les frais de présence d´un C.T.T. (ex-chef mécanicien, « chef mec » en argot) sur la loco et (particularité du réseau Est qui fut découverte à l´occasion de Longueville portes ouvertes), un agent de sécurité dans la rame. Le rôle du C.T.T. sur la loco est important car, malgré la présence de conducteurs S.N.C.F. parmi les mécaniciens habilités, il est là pour apporter sa parfaite connaissance des subtilités de la ligne empruntée ce jour-là, garant du parfait respect des règlements et instructions en vigueur en matière de sécurité. Dans l´immense majorité des cas, les rapports entre les membres des associations et les C.T.T. sont plutôt très bons, car pour eux c´est l´occasion de briser la routine et les organisateurs ont plutôt tendance à soigner leur accueil. Le rôle de l´agent de sécurité est plus ambigu, et consiste essentiellement à seconder le C.T.T., mais au niveau de la rame (c´est sans doute lui qui serait chargé de poser les pétards en cas de besoin. Il n´a aucun rôle au niveau des voyageurs qui sont à charge des « responsables de plate-forme » de l´association. Les responsables de plate-forme sont chargés de l´accueil, fermeture et verrouillage des portes, surveillance des montées et descentes de voyageurs, interdiction des descentes à contre-voie, interdiction des montées de voyageurs étrangers au train spécial, jet d´objets par les fenêtres, engagement du gabarit par les vidéastes imprudents, etc.).
Les frais évoqués plus haut incluent (soyons justes !) l´ouverture des gares, éventuellement, ou l´ouverture des passages à niveaux non gardés sur les lignes normalement sans trafic (Orléans-Pithiviers par exemple). En revanche, d´autres frais plus inattendus (et comme tels facturés à part) peuvent se présenter, comme le passage d´un locotracteur suiveur pour s´assurer que la locomotive n´a pas mis le feu quelque part... Le train doit être « graphiqué » et minuté suivant les impératifs de dates de l´association conjointement avec la S.N.C.F. (par exemple les gars de la S.N.C.F. ne connaissant plus les temps nécessaires aux prises d´eau de la machine, sans parler des temps de ravitaillement en fioul lourd et des contigences liées à la présence du camion ravitailleur « civil » dans les installations S.N.C.F.). On en passe et des meilleures... Lorsque le train roule enfin, tout le monde respire chez les bénévoles ! Donc vu tous ces éléments, chaque membre des associations présent le jour du train recoit le programme de la journée où la tâche de chacun est clairement minutée ainsi que l´horaire et les missions des autres.
Revenons à notre week-end vapeur Paris-Longueville : la parole est à Jacques Sentis (A.A.A.T.V.) :
« Dimanche matin donc, la rame garée à Ourcq avait été normalement acheminée en descente par une bécane S.N.C.F.. La 141-R allumée depuis la veille devait être à quai à 7 h 20 si le C.T.T. avait été à l´heure au départ d´Ourcq... Premières 20 minutes de retard avec les décalages y afférents jusqu´à la gare de l´Est. Voilà pour le matin, où ces quelques minutes ont été facilement rattrapées vu la marche « détendue » qui avait été graphiquée.
Dans la journée, les quatre navettes Longueville-Provins ont été à peu près à l´heure, je pense (tout au moins les deux premières, auxquelles j´ai participé). La R devait à l´origine être tournée sur le triangle de la centrale nucléaire de Nogent, mais vu les événements (1) cela nous a été refusé, ce qui a permis aux nombreux témoins l´événement rare de la séparation loco-tender (2) pour un tournage séparé (activité redoutée par nous, car jamais encore réalisée avec la machine en chauffe ; c´était donc une première et nous avons été soulagés d´en finir).
Le soir, pour le retour, certaines voies du dépôt utilisées pour la manoeuvre étant du domaine S.N.C.F., les autres de l´Ajecta, c´est donc après moult incompréhensions réciproques que l´on a pu assister impuissants à ces « grandes manoeuvres » (3) qui nous ont coûté tant de retard... Et c´est avec 45 minutes de retard que nous avons enfin pu partir pour une marche « tendue », du moins le croyions-nous encore. C´était sans compter avec le fait que l´agent de sécurité S.N.C.F. du retour, n´avait pas embarqué malgré nos trois quarts d´heure de retard et que personne à la S.N.C.F. ne nous avait avertis de sa présence à bord ; donc par voie de conséquence, personne chez nous ne s´est inquiété de son absence...
Alors, comme tout est possible, l´incroyable est arrivé, « ils » ont osé ! Ils ont arrêté le Corail Mulhouse-Paris à Longueville pour faire embarquer l´agent de sécurité, puis nous ont garés au carré à Verneuil-l´Étang pour attendre ce Corail qui nous a livré le retardataire... un peu abasourdi de tout ce bordel. Surtout que le rapide a eu de gros problèmes de redémarrage avec un petit malin qui jouait du signal d´alarme à deux reprises ! Bonjour les minutes de retard...
À partir de là, il n´y avait plus grand-chose à faire pour rattraper quoi que ce soit, surtout qu´on s´est offert le luxe d´un nouveau carré pour D.B.C. (détecteur de boîte chaude) sur le 5e essieu. Sur la 141-R, entre le 5e et le 6e essieu, il y a le foyer, bien rouge...

...  pour lequel est installée une batterie de contre-mesures sous forme de trois transpondeurs qui sont destinés à indiquer au détecteur qu´à cet endroit il ne doit bien évidemment rien détecter du tout ; mais malheureusement — est-ce un conflit de génération entre notre coûteuse électronique embarquée et le détecteur S.N.C.F. (de 4e génération...) ? — ça ne fonctionne pas à tous les coups et c´était bien sûr à ce moment-là que ça a merdé. Punition immédiate, l´équipe de conduite avec le C.T.T. est descendue tâter les moyeux de roues, en profitant pour surveiller la température des têtes de bielles. J´ajouterai qu´en repartant le graisseur destiné à lubrifier la vapeur alimentant la pompe à eau chaude a déclaré forfait. Donc, à défaut de pompe à eau, le chauffeur a dû se payer le niveau d´eau à l´injecteur — tout cela pour la petite histoire, car ça n´empêche pas de rouler.
Vous savez tout désormais sur le pourquoi des retards de cette journée assez « bon enfant » dans l´ensemble. Mais il ne faut pas se leurrer : un voyage comme celui-là intègre tant de possibilités d´imprévus qu´inévitablement chaque sortie devient une épopée avec son cortège d´anecdotes toutes plus truculentes les unes que les autres. »

1. Attentats à New York, d´où la remise en place en France du plan Vigipirate renforcé (N.D.L.R.).
2. Les photos prises par Jidé ont été... perdues, avec une centaine d´autres :¬((( Appel à nos lecteurs photographes !
3. Des zigzags en avant, en arrière, des arrêts en dehors de la zone d´aiguilles... Des centaines de têtes, aux fenêtres des voitures, s´interrogeaient sur le pourquoi ce manège (N.D.L.R.).

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16 septembre 2001.
A propos de Ptitrain. — Directeur de la publication : Christophe Franchini.
Rédacteur en chef : Jean-Denis Rondinet. — Rédacteur : Éric le Suisse.